Extrait 1 : le mouvement et le repos.


Introduction à la première partie

Pourquoi la musique nous émeut-elle, pourquoi nous suggère t-elle des forces, des passions, des contemplations, voire des paysages ou des couleurs ?

La musique est un langage analogique par excellence, c’est-à-dire que les structures musicales sont associées par un jeu de correspondance dans l’esprit du mélomane à des expériences communes, comme le sont l’agité ou le calme, le grand ou le petit, le clair ou l’obscur. 

La musique est donc assimilable à un ensemble de symboles, les symboles étant ce que nous pouvons concevoir pour exprimer ce que nous ressentons confusément à travers nos émotions. Le symbole est le langage de l’inconscient, et celui de l’émotion, tandis que la langue est celui des concepts. Nous appellerons l’ensemble de ces symboles des « archétypes». 

Le mouvement, le repos, la modalité d’être :

Comme tout ensemble, celui des archétypes est structuré et hiérarchisé. Dans notre étude, l’opposition entre le mouvement et le repos sera l’archétype fondamental dans l’expression musicale, archétype à partir duquel se déploieront les autres en arborescence.1 Cette arborescence s’étend à l’infini, en de multiples branches, ce qui nous permettra d’objectiver les ressorts expressifs du langage musical.

Par opposition entre le mouvement et le repos, nous entendons, non quelque chose de statique, mais au contraire un cycle permanent allant d’une période de repos à une de mouvement, puis d’une période de mouvement à une de repos. Ce cycle est comme sans fin, réitéré en permanence dans la musique.

Parfois, la sensation de mouvement l’emporte, comme lorsque l’on ressent de l’agitation, du conflit, de la vitesse. Parfois, ce sera celle du repos, comme lorsqu’on ressent de la lenteur, de la paix, du calme. Mais le plus souvent, on ressent un état intermédiaire entre ces deux pôles d’opposition. Nous appellerons « modalité d’être » l’équilibre ressenti entre ces deux extrêmes.

Cet archétype renvoie à de nombreuses expériences communes. Par exemple, la vue d’une tempête est associée au sentiment de mouvement, excessif en l’occurrence. La vue d’une grande plaine, calme, baignée de lumière, est associée au sentiment de repos. La guerre est bien évidemment associée au mouvement, la paix au repos. La folie est associée au mouvement, la sagesse au repos. 

De plus, la phase de repos peut être associée le plus souvent à un sentiment de cohésion, de rassemblement, tandis que la phase de mouvement peut être associée à des sentiments de dissipation, de séparation, … C’est le sentiment que l’on ressent dans la nature lorsque des sédiments se déposent au fond d’une eau au repos, tandis qu’ils se déplacent d’une façon chaotique lorsqu’elle est en mouvement par exemple.

Nous avons choisi cet archétype comme base de notre système parce qu’il nous a semblé pouvoir être le dénominateur commun de tous les autres2. Nous présenterons lors de l’étude des éléments du langage musical en quoi chacun étend cet archétype en des ramifications qui lui sont propres : les effets expressifs du rythme ne sont pas ceux du mélodique, ni ceux de l’harmonique.

En particulier, l’esprit du mélomane ne pourra décerner une forme que par la comparaison entre des périodes de repos et des périodes de mouvement. Nous pouvons dire dès à présent que cette alternance, cette respiration permanente entre ces deux pôles est la racine de toute forme musicale : sans cette respiration, il n’y a pas d’expression musicale intelligible.

A partir de cette étude, il sera plus facile de comprendre pourquoi telle ou telle musique suggère telle ou telle modalité d’être, et au delà, telle ou telle émotion. Nous pourrons alors étudier dans las econde partie la forme musicale comme étant l’expression pleine et entière d’une certaine modalité d’être. Nous montrerons comment les grands chefs-d’œuvre musicaux expriment la même modalité d’être par leurs rythmes, leurs mélodies et leurs harmonies.

Notes :

1 : Cette étude par arborescence sera de cepoint de vue analogue à toute étude sur le langage. En effet, les concepts sont classés par les linguistes par champs sémantiques, puis sont précisés peu à peu jusqu’au vocabulaire le plus spécialisé. La branche « animaux » engendrera la branche « chiens », qui engendrera à son tour les branches « épagneul », « berger », ou « caniche », etc…

2 : On trouvera dans cet archétype un parallèle avec le symbole du Yin et du Yang asiatique. S’il s’agit d’un parallèle seulement, on notera cependant l’identité de point de vue en ce qui concerne le caractère cyclique de cette dynamique.

En particulier, cette idée que la forme musicale n’est compréhensible que par la respiration entre ces deux pôles d’opposition trouve ici un prolongement philosophique évident pour les adeptes de cette doctrine : il est commun de considérer le cycle du Yin et duYang comme étant la racine de toute manifestation dans le monde créé.

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